La nuit de Noël

Le noir recouvrait tout. Les voleurs en profitaient pour chaparder, les assassins pour assassiner et les malheureux pour pleurer.

Au fond de son lit, le petit Noël tremblait : l’ogre était forcément dans sa chambre, mais où ?

Sous son lit, derrière l’armoire, ou bien accoudé à sa table de chevet ? S’il allumait la chandelle, ce serait pire encore ! Il imaginait le monstre déformé par la lumière vacillante, immense, jaunâtre, les dents carnassières et le regard fou. Jamais il ne trouverait le sommeil, à moins que …A moins qu’il ne se mette à penser à demain et à tous les jours qui suivraient, à la nuit grignotée par le jour, aux malfaisants repoussés par les bons et à la bougie traîtresse que l’on remiserait dans le tiroir.

Le petit Noël ne se doutait pas que des siècles plus tard, les enfants du monde entier n’auraient qu’à appuyer sur un bouton pour éloigner les peurs, lui qui n’avait que la force de son esprit et un méchant bout de chandelle pour se protéger.

Sous sa couverture, Noël se sentait comme à l’intérieur d’une cabane protectrice. Pourtant, son refuge laineux tenait plus de l’abri de paille du plus paresseux des Trois petits cochons que de la maisonnette en briques du plus laborieux des trois frères ! S’il osait, il tendrait le bras pour attraper le livre de contes au pied de son lit, il ne se souvenait plus en quel matériau le deuxième petit cochon avait construit sa cabane… Mais non, il faudrait rallumer la chandelle et puis le monstre arracherait à coup sûr sa main s’il la laissait sortir de la couverture.

Recroquevillé, l’enfant se mit à réfléchir, à essayer de se souvenir… alors, la première maisonnette était en paille, ça c’était certain, le petit cochon paresseux n’avait pas eu envie de se fatiguer à porter de lourdes charges… Celle du plus vertueux était en briques, il avait énormément transpiré pour en monter tout seul les murs ; mais celle du second ? En quoi était-elle faite ? En torchis ? En terre ? En roseaux ? Impossible de se rappeler. Plus Noël essayait de se creuser la cervelle, plus le conte semblait lui échapper; à la place, il voyait des  dizaines de porcelets et de loups copains comme cochons, dansant et riant ensemble au bord du lac ; les loups du monde entier s’étaient alliés à la communauté porcine autour d’un grand banquet où trônaient les gâteaux et les friandises les plus colorés et les plus extraordinaires qu’on n’ait jamais vus, sous un soleil radieux.

Quand Noël ouvrit enfin les yeux, une lumière éblouissante avait envahi la pièce, il pouvait voir précisément chaque recoin de sa chambre où aucun intrus ne se cachait à part quelques moutons de poussière. D’en bas, il percevait les bruits familiers de vaisselle dans la cuisine.

Le petit-déjeuner attendrait, Noël allait pouvoir lire dans la lumière rassurante de cette belle matinée de décembre. Il tendit le bras sans crainte pour attraper son livre de contes : Alors, de quoi était-elle faite cette deuxième petite maison ?

12 commentaires sur “La nuit de Noël

  1. Voilà que tu combles une partie importante de mes lacunes…la jeunesse du Père Noël ! Moi qui pensais qu’il avait toujours été vieux ! Je vois qu’il n’en est rien. Je trépigne d’en apprendre davantage…peut-être l’année prochaine ?
    Bonnes fêtes Marine !

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  2. Bon jour,
    Mais bon sang de bois, mais c’est bien sûr … 🙂
    Un texte avec cette enfance des peurs construites aussi par les adultes qui nous racontaient des contes à nous faire dresser les cheveux sur la tête et nous tenaillaient longtemps créant parfois des peurs traumatisantes jusqu’à l’âge adulte …
    Joyeux Noël 🙂
    Max-Louis

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  3. Ah ben ça Marinade, un superbe texte pour terminer l’année. J’adore ton entrée en matière et comment tu as réussi à nous entraîner avec toi et les 3 petits cochons dans ce conte… de Noël ! Belle fin d’année à toi ! Sabrina.

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