Depuis des mois, j’avais envie d’en acheter. La « nuagerie » se trouvait au coin de mon arc-en-ciel et je passais tous les matins devant, en allant au paradis. La petite échoppe était tenue par un sale vieux bonhomme, le père Tempête. Avec lui, jamais de réductions ni de promotions, un nuage confetti coûtait cent gouttes de pluie, un nuage douceur, cent vingt et cela pouvait aller jusqu’à mille pour un nuage troupeau de moutons ou un meringué.
Jamais je n’aurais assez de gouttes dans mon porte-pluie pour m’offrir mon rêve …
Mais un beau jour, un miracle se produisit, l’enseigne de la boutique avait changé. Au lieu de « nuagerie » il était écrit : « Cumulez vos cumulus pour pas une goutte de plus »
Le marchand aussi était différent, un lutin souriant, vêtu de laine, coiffé d’écume et les joues recouvertes d’une opulente barbe à papa.
– Entrez ! Entrez dans mon ciel ouaté, jeune homme, osez vagabonder dans ma poussière de liberté, parmi mes cumulus soldés !
– Soldés ?
– Soldés, bradés, donnés, tout ce que vous voudrez !
Alors je me mis à déambuler parmi les nuages, je les touchais, je les palpais, je m’allongeais sur les plus gros, je caressais les plus petits, je murmurais aux plus jolis et les entassai dans mon caddie comme des toisons de paradis.
Je noyai le gentil marchand sous une vague de mercis et retournais sur mon arc en ciel.
Mais, quand les couleurs de mon logis me virent chargé de tout ce blanc, elles pâlirent… légèrement. Alors mes nuages se mirent à pleurer, ils se sentaient mal accueillis, rejetés. Leurs larmes de pluie ne pouvaient plus s’arrêter de couler sous le soleil. Et plus les larmes coulaient, plus mon arc-en-ciel rougeoyait, verdissait, bleuissait, se parait d’oranger, de doré et d’un violet profond. Jamais il n’avait été aussi éclatant.
Sous ce flamboiement, mes nuages en étaient réduits à l’état de baudruches dégonflées, de peaux grisâtres, de bedaines crevées d’où suppuraient quelques dernières gouttelettes. Je repensais à ma grand-mère qui disait toujours : « On ne peut pas tout avoir » et moi, qui lui répondais « Mais on peut toujours essayer … »
MH
Poétique
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Onirique et très original, j’adore!
La quête du rêve te fait déplacer des nuages, et puis soudain le réel, comme quoi il faut parfois se méfier des bonnes affaires😉…
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Merci pour ce commentaire qui me fait grand plaisir et m’encourage !
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Le monde du rêve a besoin de passeurs(euses), tu en es une, et drôlement inspirée! Bravo
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Merci !!!
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Douceur et poésie …
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Une plume arc en ciel comme je les aime pour chasser les « cumulus sombres ou blancs gorgés d’eau » qui s’amoncellent dans le ciel de tête des gens. Merci de faire partie de cette confrérie des écrivaines drôles, dont la bonne humeur est communicative 🙂
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Quel beau commentaire tout en poésie !
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