
Ecrire un texte avec comme première et dernière phrases: » Je ne l’ai jamais vraiment connue » et « J’ai pris une photo. »
Je ne l’ai jamais vraiment connue… Pourtant je la voyais chaque matin sur le quai de ma petite gare du RER C. Elle était toujours seule. Elle regardait les grappes d’amis, de voisins ou de collègues qui bavardaient et plaisantaient en attendant le Vick de sept heures cinquante. Elle, se tenait invariablement à la limite des trains courts, sa sacoche râpée, mais de bonne facture, à la main. Que transportait-elle ? Des livres, une trousse, des cahiers, une calculatrice ? Je l’imaginais professeure ou comptable, assommée par des élèves insupportables ou des chiffres indisciplinés. Elle devait avoir la cinquantaine, comme moi. Combien de fois me suis-je dit, vas lui parler, elle pourrait devenir une compagne de trajet et la conversation viendrait colorer l’ambiance morose des attentes de trains retardés ou annulés… Mais chaque matin, je renonçais. Par paresse, par timidité ? J’avais déjà une ribambelle de copines, un mari une famille, à quoi bon faire cet effort ? Pourtant quelque chose m’attirait chez cette femme, sans doute son air perdu, à moins que cela ne fût son Loden démodé ou sa longue tresse brune dans le dos. Elle semblait toujours frigorifiée malgré son manteau de laine, peut-être était-il trop usé pour la réchauffer. Plusieurs fois j’ai pensé, et si je l’invitais à prendre un chocolat dans la brasserie en face de la gare, on ferait le travail buissonnier, ses longues mains cesseraient de trembler et ses joues blêmes reprendraient des couleurs avec la boisson chaude. Elle me raconterait sa triste vie, se laisserait aller à pleurer, et puis ça irait un peu mieux et je lui donnerais rendez-vous le samedi d’après ; on irait voir une comédie au cinéma et elle rirait…enfin. On deviendrait meilleures amies et je délaisserais toute ma clique de copines superficielles.
Et puis, il y a eu ce fameux lundi de février. En prenant mon petit-déjeuner, j’ai décidé que j’irais bel et bien lui parler. Pourquoi hésiter plus longtemps ? Etait-ce donc si risqué ? Au pire j’essuierais un refus d’amitié, au mieux je la connaitrais, enfin.
Quand je suis arrivée sur le quai glacial du RER C, les grappes habituelles d’amis, de voisins et de collègues ne bavardaient pas, ne plaisantaient pas. Ils étaient agglutinés à la limite des trains courts et regardaient tous dans la même direction, en contrebas.
Sur les rails, la sacoche râpée mais de bonne facture gisait, un peu plus loin le corps de l’inconnue au Loden, abandonné…
Alors j’ai pleuré, et pour ne jamais l’oublier, j’ai pris une photo.
Bonjour Marinade, c’est une participation à un jeu littéraire ?
J’ai beaucoup aimé votre variation d’une tranche de vie commune, à la fin souvent attendue. Votre écriture coule de source et arrive, fatalement, dans une flaque.
Vous voudriez pas participer, à posteriori, à l’a.i de janvier ? Je serais curieuse de lire ce que vous feriez des consignes!
En attendant, si vous souhaitez voter (pour votre titre préféré par exemple), ne vous retenez pas!
https://lyssamara.wordpress.com/2022/01/29/agenda-ironique-de-janvier-les-votes/
🙂
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Bonjour Lyssamara, oui c’est un petit atelier d’écriture que nous faisons entre amies Tout à fait d’accord pour participer à votre consigne de janvier, j’irai regarder ces jours-ci. Merci pour ce message !
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Pour voter, vous avez jusqu’à demain soir minuit, et vos amies aussi 😇!
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une belle histoire triste qui pourrait fort bien exister ! la photo est magnifique aussi ! merci
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Merci beaucoup, Gibulène
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Bon jour,
Je ne connaissais pas ce Loden, maintenant, je sais à quoi cela correspond 🙂
Une histoire qui nous fait comprendre qu’il ne faut remettre à demain ce que l’on peut faire aujourd’hui.
Bonne soirée.
Max-Louis
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Oui, la spontanéité est une grande qualité mais on est souvent retenu par ceci ou par cela
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Hello M-H
On imagine bien la dame, le quai bondé de voyageurs, l’ambiance plutôt morose de ces départs et retours quotidiens de millions de gens pour se rendre à leur travail.
Hélas, ça se passe dans la vraie vie.
On a trop tendance à ne pas agir spontanément et à le regretter ensuite 😉
Encore un très beau texte.
Bonne semaine
Gros bisous
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Merci Soene !
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Décidément, entre ce message d’aujourd’hui et celui-là d’hier, j’ai l’impression que notre MHC est dans la déprime!!!
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Ne t’inquiète pas Mona, en réalité je vais très bien ! Bisous
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Ben dis donc ! c’est pas gai mais tellement réaliste ! Finalement, il y a des jours où l’on pourrait regretter que les trains soient à l’heure…
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Merci pour ta lecture, Pat
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Une histoire qui réveille des souvenirs de trains et de métros immobilisés. Qui esquisse délicatement un profil de ces « cas » réduits à des statistiques.
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Oui, les « accidents de personnes » .. Merci pour ta lecture? Lazuli
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