Les voilà tous attablés, les mains posées sur le plastique visqueux. MH regrette; elle n’aurait pas dû écouter sa mère qui veut toujours tout simplifier. Il fallait mettre une nappe en tissu pour recouvrir cette poisse bariolée. Même frottée et re frottée, la toile cirée demeurait collante. Berk.
Les amis, eux, n’ont pas l’air dégoûtés; après tout c’est l’essentiel. MH se dit qu’elle n’a qu’à boire son verre de vin rouge cul-sec, pour oublier « le gluant ». Ce vin de Loire est très curieux. Son parfum lui plait et lui déplaît à la fois, elle goûte et re goûte pour identifier l’étrange arôme…Ça y est, elle a trouvé : ce vin sent la morille ! Elle tape du poing sur la table pour se faire entendre des convives qui parlent et rient de plus en plus fort. Elle veut leur dire qu’elle a trouvé. Que ce vin, c’est de la morille liquide ! Mais ses mots restent bloqués dans sa gorge, son poing ne peut plus se décoller de la toile cirée … LE GLUANT…
Soudain, l’année de ses six ans s’empare du présent. A cette époque, elle prononçait ce mot au moins deux fois par semaine. L’avait-elle étouffé depuis tout ce temps ?
« Le gluant, le gluant, le gluant, le gluant, le gluant, le gluant, le gluant…. »
A la cantine de la petite école élémentaire de St Germain du Seudre, on servait aux écoliers un ignoble dessert orange, aussi pâteux qu’un loukoum, aussi sucré qu’un sirop pour la toux et aussi visqueux qu’une limace. MH n’avait jamais osé demander à la cantinière de quoi était faite l’infâme mixture ; alors, elle l’avait baptisée « le gluant » Elle se souvient de ce sentiment mélangé, quand arrivait le mardi ou le vendredi. Dans la cour de récréation au chêne centenaire, elle annonçait haut et fort à Diane et Isabelle, ses amies : Berk, aujourd’hui c’est le jour du gluant !! MH était autant horrifiée que surexcitée à l’idée d’absorber le drôle de dessert. Mais une fois « le gluant » dans l’assiette, quelle gageure de le manger jusqu’à la dernière cuillerée !
Le poing de MH s’est enfin décollé de la toile cirée poisseuse : Berk, ce vin, il a goût de morille! Annonce-t-elle à la joyeuse tablée avinée.
C’était si bon et si écœurant à la fois, la morille, “le gluant”…
Aujourd’hui MH donnerait cher pour déguster une bonne assiettée de pâte de coing, arrosée d’un verre de Saumur bouchonné…
MH
Petite questionnette: et vous, y a-t-il des aliments qui vous plaisent et vous dégoûtent à la fois ?
ahhaha je connais cette histoire moi 🙂
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c’est pas bon mais c’est bon
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Oui, sensation contradictoire très particulière !
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Ah ben c’est une vraie colle cette question. Je cherche, mais je ne vois pas, soit j’aime, soit j’aime pas… Le bircher muesli peut-être (typiquement suisse), à l’œil on dirait du vomit mais c’est super bon 😉
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Je ne connais pas ce muesli particulier ! Merci pour ta réponse à la questionnette, Dom !
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Super histoire très drôle
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Rien de plus drôle que les souvenirs de la petite enfance
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Le titre m’a immédiatement replongé dans la cérémonie du ver « gluant » de bancoule de mon île natale ( Nouvelle-Calédonie) je vous laisse découvrir…sur mon blog « Funambule sur le fil de l’écriture » de Mijo Nouméa
https://marie-josee-roy.esprit-livre.school/la-premiere-morsure-dans-le-ver-de-bancoule/
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Merci, pour ce lien, je lirai cela un peu plus tard dans la matinée.
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