Le Grenier du Siècle

Avez-vous entendu parler du Grenier du Siècle, à Nantes ? Il s’agit d’un lieu où,  le 31 décembre 1999, ont été entreposés par des anonymes, un tas d’objets divers allant du vêtement, à la recette de cuisine en passant par la lettre, le secret, l’enregistrement, le dessin ou l’objet de la vie courante…

Ce grenier réouvrira ses portes le premier janvier 2100 à 17 heures précises afin que notre descendance découvre tous ces objets et ces mystères !

1/ 31 décembre 1999 : Dépôt d’un objet au Grenier du Siècle

La perruque bleue

Je dépose cette perruque. C’est une perruque bleu turquoise, raide et mi-longue avec frange. Je l’avais achetée pour fêter mes 60 ans. J’ai dansé avec elle toute la nuit du 27 février 1978 ; puis, je l’ai installée sur une tête à coiffer dans mon boudoir et je l’ai contemplée pendant plus de vingt ans avant de la déposer au Grenier du Siècle de Nantes.

J’ai rencontré ma perruque par une froide matinée en décembre 1977. J’avais donné ce thème à mes amis pour ma soirée d’anniversaire : Pyjama et perruque. Je ne savais pas du tout ce que j’allais choisir pour moi-même quand j’ai imaginé ce thème de déguisement, mais après avoir fait mes courses au marché, je suis passée devant la boutique de farces et attrapes. La perruque bleue était dans la vitrine, posée sur la tête d’un mannequin en celluloïd entièrement nu, entre un gros nœud papillon de clown et une robe de marquise. J’ai eu la vive impression que la perruque m’interpellait : S’il te plait, prend moi, achète moi ! J’ai l’air de quoi, moi, perchée sur cette nudiste en plastoc ? J’ai envie de bouger, de danser, de virevolter et de faire le bonheur d’une créature vivante qui ne veut pas vieillir trop vite !

Alors je suis rentrée dans le magasin et j’ai dit : « Il me faut la perruque bleue dans la vitrine, c’est une question de vie ou de mort, pour moi comme pour elle ! »

Voilà pourquoi je lègue cette perruque à toute femme de cinquante-neuf ans qui a une peur bleue de franchir le cap des soixante. Que la fantaisie de cette folle coiffure l’aide et lui insuffle la jeunesse de ses dix-huit ans, non seulement le jour de son anniversaire, mais toutes les années qui suivront !

2/ Premier janvier 2100 : Retrait d’un objet au Grenier du Siècle

Mémoires de mon père

Je n’ai jamais connu mes parents, j’ai été déposé, tel un objet, au pied de Notre-Dame, je n’avais que quelques jours…

Cette scène semble tout droit sortie du Moyen-âge, pourtant c’est en 2040 que je suis né… On ne m’a jamais trouvé de famille d’accueil, j’ai vécu d’institutions en institutions jusqu’à ma majorité. Je n’ai jamais fondé de famille non plus, trop inadapté que j’étais à l’affection, à l’amour, à la vie.

Aujourd’hui j’ai soixante ans et je suis au Grenier du Siècle face à ce paquet enveloppé de papier brun sur lequel vous avez écrit : Mémoires de mon père

Pour moi, c’est un objet surréaliste, j’ose à peine le toucher, en défaire la ficelle, en déplier le papier craft. Mes mains tremblent, je sens qu’il va changer ma vie. Je ne sais pas encore qui était votre père… Était-ce un homme important, modeste, gai, triste, un père aimant ou indifférent, un homme de parole ou peu fiable…mais qu’importe… tout ce que je sais, c’est que vous aviez un père, et que grâce à votre don, je vais un peu en avoir un, moi aussi.

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