Le photomaton magique

Le texte ci-dessous m’a été inspiré par cette belle photo de Derek Lee dans le cadre de l’atelier BRICABOOK numéro 412.

-C’est pas possible, j’ai oublié de mettre ma crème de jour ou quoi ! C’est qui cette vieille qui me ressemble ? Je rêve ou je cauchemarde ? T’es qui toi ? J’ai besoin de photos pour mon CV moi, pas pour la maison de retraite ! Je veux rentrer dans la banque, moi, c’est mon plus grand souhait !

-Laurine 23 ans, écoute un peu ce que Laurine 80 ans a à te dire …

 -?!

-Tu vois ma figure, tu vois ma fatigue, tu vois ma tristesse, tu le décèles ce sentiment de déception dans mon regard ?

-Je ne comprends pas…tu vas marcher sale machine oui ou non ?!

-C’est le visage que tu auras si tu t’acharnes dans cette direction, crois-moi, ne fais pas ça …

L’écran du photomaton s’éteint doucement, puis se rallume

-Mais c’est qui ça maintenant ? C’est un bébé ! C’est MOI bébé ! Comment c’est possible ?! J’ai besoin de photos pour mon CV moi, pas pour ma carte de crèche !

-Laurine 23 ans, écoute un peu ce que Laurine 4 ans a à te dire

 -?!

-Tu te souviens de tes dessins ? Tu te souviens des antilopes et des licornes, des châteaux étoilés, des ciels argentés… Et la maîtresse de maternelle, Mademoiselle Cachou qui les épinglait dans les couloirs de l’école pour que tout le monde les admire ! Tu te souviens de ta fierté, même si petite … de ton bonheur quand tu dessinais ?

L’écran du photomaton s’assombrit à nouveau, puis un flash violent vient illuminer le visage de Laurine.

La jeune fille sort de la petite cabine et patiente devant la fente de la machine où les photos sont censées tomber au bout de quelques minutes. Elle est sonnée, elle ne comprend pas ce qui vient de lui arriver mais elle pense à son enfance. Quand elle revoit ses plus grands moments de joie, elle a toujours un crayon de couleur, un feutre ou un pinceau à la main… Le souffle du séchoir à photos la tire brusquement de sa rêverie. Le papier glacé vient de tomber et frémit sous l’air pulsé avant de s’immobiliser. D’une main tremblante, Laurine saisit le large carré de quatre photos : sur la première, la vieille femme au regard triste, sur la seconde la toute petite fille une boite de crayons de couleurs à la main, sur la troisième le dessin de licorne sous un ciel orageux que Mademoiselle Cachou avait tant aimé. Et sur la dernière photo, le visage rayonnant d’une Laurine qui a trouvé sa voie rêvée !

Brève de Nice

A midi juste, je me mets à la recherche de mon déjeuner. Pissaladière, spécialité de la ville. Une faim de loup. Restaus fermés, deuxième confinement. Je me rabats sur une boulangerie. Vendeuse sympathique et rondelette comme ses brioches. Pissaladière, trois euros la part. J’ai faim, j’achète. Pâte industrielle (stries sur le dessous)

Boulangerie suivante. Pour comparer. Proche du Marché aux fleurs. Contemplation des anchois qui transpirent sur leur lit d’oignons. Le Monsieur avant moi en prend trois morceaux : « C’est la meilleure du coin ! » qu’il me dit. Confiance. Pur Niçois. Il a le look. Deux euros cinquante la part. J’achète.

Je m’assois sur un banc. Vue sur fleurs, touristes et autochtones.  Lavande entêtante. Je goûte la première pissaladière, l’industrielle. Dégueue. Sèche, comme la peau de mes mollets que j’ai pas assez hydratée.  La seconde…déception. Écœurante. Sucrée ! C’est les oignons qui donnent ce goût ou alors, ils ont carrément rajouté du sucre dans la pâte ?! Le Monsieur devait être payé par la marchande, c’est pas possible ! Poubelle en vue. Tout dedans. J’ai toujours aussi faim. Tant pis pour moi.