Tapis bleu

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Le texte ci-dessous m’a été inspiré par cette jolie photo de @helloschmitt dans le cadre de l’atelier BRICABOOK numéro 350. Thématique interdite : la mer

Quand j’ai choisi ce tapis bleu, je me suis dit qu’il ferait bien dans mon salon, qu’il recouvrirait mon vieux lino et que ça donnerait un coup de jeune à mon appart. Mais depuis que je l’ai, c’est trop bizarre, y a de l’humidité chez moi, comme des embruns… C’est bien simple je suis obligé de vivre en kway pour ne pas être trempé à longueur de journée. Et puis, mon tapis bleu, il bouge, je ne dirais pas que c’est un tapis volant parce qu’il reste au sol sur mon lino, mais il ondule… c’est joli, ça fait des reflets changeants, il passe du bleu indigo au bleu azur en passant par le bleu cyan ! J’ai jeté ma télé depuis que je l’ai parce que c’est un vrai spectacle de le regarder. Et puis, plus besoin d’aller chez le poissonnier : il y a des soles, des bars et des sardines qui vivent dans mon tapis, je n’ai qu’à me pencher pour les ramasser et régaler mes invités. D’ailleurs, mes hôtes, je les trouve aussi dans mon tapis ! J’ai laissé tomber tous mes anciens amis depuis que je dîne avec des nageuses, des marins et des surfeurs. Ils adorent tous le poisson et c’est très bien comme ça.
Je me demande ce qu’il se serait passé si je l’avais choisi rouge, mon tapis… j’aurais eu l’impression de vivre dans une flaque de sang, je n’aurais plus fréquenté que des globules ! Ou jaune, dans une mare de pipi, ça n’aurait pas été ragoûtant ! Mais Dieu merci je l’ai pris bleu, mon tapis, et comme je ne prononcerai pas le mot interdit, je vous dirai juste que depuis que je l’ai, plus besoin de partir l’été là où les touristes vont se baigner !

MH

Petite questionnette: Et vous, quelle sorte de tapis aimez-vous ?

Réjouissance forestière

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Le texte ci-dessous m’a été inspiré par cette photo dans le cadre de l’atelier BRICABOOK numéro 349.

 

Elles sont quatre amies et elles dévorent.
Insouciantes du pourrissement des fougères
Sur lesquelles elles sont installées,
Elles pique-niquent avec avidité.

Jambes étalées, jupes retroussées
Délestées de leurs sacs, de leurs cahiers
Fières de leur complicité
Elles s’amusent, elles s’esclaffent.

Leurs yeux se plissent, leurs pupilles flamboient
Leurs rires grincent, détonnent, deviennent sorciers
Elles se congratulent, se félicitent de l’avoir fait.
« C’est vrai, il l’avait bien cherché ! »

Sous les fougères, elles l’ont enterré
Le prof de maths et son sale martinet
Adieu les heures de colle et les zéros pointés
Pour elles c’est jour de fête, elles l’ont bien mérité !

MH

Les chevillettes

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Le texte ci-dessous m’a été inspiré par cette photo dans le cadre de l’atelier BRICABOOK numéro 348. Mot à placer obligatoirement: chevillette.

 

Qu’est-ce que tu as de jolies chevillettes ! Qu’il me disait toujours mon premier fiancé. Tu pourrais faire le mannequin pour Dior ou pour Chanel ! Et puis il est mort mon pauvre Maurice, d’un coup de grisou, au fond de la mine … Alors je me suis rabattue sur Barnabé, le barbier du village. Pas la même chose avec lui … Il m’a tout de suite mise enceinte, avant même de m’épouser ; des jumeaux qu’il m’a fait, Jacky et Jacot ! Maintenant ce sont deux chats maigres de treize ans que je suis obligée d’emmener se baigner dans la Souchez tous les dimanches. Barnabé, il vient même pas avec nous, il reste vautré devant la télé avec sa bière et Gillo, son poto. Moi, pendant ce temps, je promène mes chevillettes toutes fines sur les bords de la Souchez en regardant les gosses plonger … Ces jours-là, je mets toujours mes escarpins rouges, ceux avec la bride bleu marine derrière le talon, ceux que Maurice, il m’avait achetés pour mes dix huit ans. Des souliers de luxe pour des jambes de luxe, qu’il avait dit Maurice, en me les offrant dans leur belle boite blanche fermée par un ruban de soie.
Aujourd’hui j’ai quarante ans et j essaie de rester élégante avec mes cardigans et mes jupes droites ; j’ai gardé la ligne aussi, et c’est pas pour Barnabé qui prélasse sa brioche dans le canapé et qui ne remarque même plus si je suis blonde ou rousse… Non si je veux rester pas trop mal, c’est en mémoire de mon Maurice et des promenades qu’on faisait le dimanche le long de la Souchez,
Qu’est-ce que tu as de jolies chevillettes ! Et puis il me cueillait des fleurs des champs, des fleurs de la rive droite de la Souchez.
Maurice est mort, Barnabé m’a épousée et j’ai lamais fait le mannequin ; j’ai élevé Jacky et Jacot au son des matches de foot et du tiercé. Aujourd’hui j’ai quarante ans et juste mes yeux pour pleurer…

Qu’est-ce que tu as de jolies chevillettes ! Et puis après tout, il est peut-être pas trop tard… Et si je m’en allais ?

MH

La Grande

 

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Le texte ci-dessous m’a été inspiré par cette photo de Caroline Hernandez dans le cadre de l’atelier BRICABOOK numéro 347. Thématique interdite : l’enfance !!!!

Je suis petite ? Et alors ! C’est pour ça qu’il n’y en a pas dans mon ciboulot ! J’ai fait Sciences Po, moi, Madame, et une école de journalisme par là-dessus, et maintenant je travaille pour une grande chaîne d’infos. D’ailleurs, là, je cours, je me précipite, le Président va sortir par cette petite rue, c’est l’un de mes contacts à l’Elysée qui me l’a dit. Je me suis fait chic pour le rencontrer, le Président, une petite robe blanche c’est bien mieux qu’une petite robe noire, mais ça, les plus grandes que moi ne le savent pas, et c’est ce qui fait ma force dans la jungle du métier : mon originalité et mon instinct ; c’est pour ça qu’ils m’appellent « La Grande » et c’est bien vrai, ils ne m’arrivent pas à la cheville tous autant qu’ils sont. Qui c’est qui a surpris la Première Dame en train de s’acheter un petit haut à huit euros chez H&M ? C’est moi ! Qui c’est qui a coincé le Premier Ministre en train d’essayer de se teindre la barbe en bleu dans sa salle de bain ? C’est encore moi, et qui c’est qui a interviewé l’ex président assis sur son pèse personne et en pleurs à cause de sa prise de poids ? C’est toujours moi !
Alors vous qui me traitez de petite là, suivez-moi ! Oui, suivez-moi avec vos grandes jambes qui ne courent pas bien vite, et si je n’arrive pas à obtenir une diminution de 70% sur les impôts des français auprès du Président, là vous pourrez me traiter de minus !!

MH

Persuasion diabolique

jewelry-box-164134_1280– Il y aurait bien un moyen pour se payer des vélos neufs …
– Ah bon, tu penses à quoi ?
– Au collier de perles de grand-mère.
– Quoi, le collier de perles de grand-mère ?
– Bé, tu comprends pas ? On pourrait lui voler et le revendre au bijoutier.
– Quoi ??
– Mieux, TU pourrais le voler !
– Pourquoi moi ??
– Parce que tu es plus petit et plus adroit que moi ; tu te faufilerais dans sa chambre pendant qu’elle dort et tu le chiperais sur sa table de nuit. Moi je me charge de la revente.
– Mais … C’est mal …
– Mais non ! C’est pour son bien au contraire.
– Comment ça ?
– Tu as remarqué comme elle marche, de plus en plus penchée, on dirait qu’elle a une bosse… Bé, c’est à cause de ce satané collier, Il pèse beaucoup trop sur son vieux cou !
– Tu crois ? Mais pourquoi elle le met tous les jours alors ?
– Pour épater ses copines, pardi ! Parce que la femme du boucher a un diamant qui ressemble à une pyramide et que la boulangère a des boucles d’oreille tellement lourdes que ses lobes touchent ses épaules !! Alors grand-mère, pour avoir l’air aussi riche que les autres, elle se casse le cou avec son collier de perles, c’est tout.
– Tu crois ?
– Mais j’en suis sûr ! On lui rendrait un fier service en la débarrassant de ce truc, ça la ferait rajeunir de vingt ans, et tu pourrais même lui fabriquer un joli collier de nouilles à la place.
– Mais moi, j’ai peur, je préfèrerais que ce soit toi qui ailles dans sa chambre.
– Moi ? Mais tu es fou, je suis bien trop lourdaud et maladroit, je ferais forcement tomber quelque chose, alors elle se réveillerait et adieu les vélos neufs ! Tandis que toi, tu es souple et discret comme un chat, tu ne casses jamais rien, tu es une vraie perle et comme dit le proverbe, Qui est une perle mérite des perles !
– Qu’est-ce que c’est que ce proverbe ?
– C’est un proverbe très célèbre que tu devrais connaitre si tu apprenais un peu mieux tes leçons de morale !
– Quoi ?
– D’ailleurs, si tu ne m’obéis pas, je dirai à maman que tu ne fais pas tes devoirs !
– Mais …
– On ne discute pas ! C’est moi l’ainé ! Moi, je connais bien mes proverbes, je veux que grand-mère n’ait plus mal au cou, et toi tu es un sale paresseux égoïste qui veut que grand-mère souffre jusqu’à sa mort !
– D’accord, d’accord, je ferai tout ce que tu voudras …
– A la bonne heure !

MH